Retranscription accessible du supplément du 24 heures réalisé en collaboration avec la Fondation Asile des aveugles

Retranscription accessible du supplément du 24 heures réalisé en collaboration avec la Fondation Asile des aveugles.

Pensionnaires et personnel de l’Asile des aveugles devant le bâtiment historique de l’hôpital ophtalmique, vers 1900. MHL/Fondation Asile des aveugles

La Fondation Asile des aveugles 175 ans au service de la santé visuelle. Dès sa création, en 1843 à Lausanne, la Fondation Asile des aveugles a développé une approche médicale, sociale et éducative de la déficience visuelle. Présentation.

Les origines.
Trois personnes ont posé les jalons de la santé visuelle vaudoise. La rencontre entre un médecin, une patiente et un financier a débouché sur la création de l’Asile des aveugles en 1843 à Lausanne.

Les fondateurs: Elisabeth-Jane de Cerjat, la motivatrice Frédéric Recordon, le médecin, William Haldimand, le financier. (en savoir plus sur les fondateurs)

En 1843, la Fondation Asile des aveugles était créée à Lausanne. Le chef-lieu, qui compte à peine 16 000 habitants à cette époque, abrite alors sur son sol la première structure prenant soin de la santé visuelle des Vaudois. Exactement 175 ans plus tard, la Fondation Asile des aveugles s’est développée sur le même site. L’institution regroupe aujourd’hui différents services. A la pointe de la discipline, l’hôpital ophtalmique intègre en son sein le service d’ophtalmologie de l’Université de Lausanne et dispose d’un pôle actif dans la recherche. Le Centre pédagogique pour les élèves handicapés de la vue, qui œuvre dans toute la Suisse romande, aide les enfants atteints dans leur vision de leur naissance à leur entrée dans la vie active. Le service réadaptation basse vision, qui propose un accompagnement et des solutions de réadaptation pour la vie quotidienne des personnes malvoyantes et aveugles. Deux EMS prioritairement dédiés aux aînés atteints de déficiences visuelles invalidantes. Une approche pluridisciplinaire que l’on retrouve dès sa création, le 3 janvier 1843, puisque la Fondation Asile des aveugles a développé dès le début une dimension non seulement médicale, mais aussi sociale et éducative, ce qui n’était pas fréquent à l’époque. Et dire que tout a commencé par une opération de la cataracte…

Alors âgée de plus de 73 ans, Elisabeth-Jane de Cerjat venait de se faire opérer de la cataracte en Allemagne

«A cette époque, l’ophtalmologie n’existait pas en tant que spécialité médicale, explique Nicolas Ducrey, ancien directeur médical adjoint de l’Hôpital ophtalmique Jules- Gonin et créateur du Musée de l’œil.

Nicolas Ducrey, président de la Fondation du Musée de l’œil


 

Il n’y avait aucun spécialiste capable de conduire cette opération dans notre pays. C’est pourquoi Elizabeth de Cerjat avait décidé de faire le voyage à Heidelberg, chez le chirurgien Chelius, qui jouissait sans doute d’une bonne réputation.» La cataracte touche notamment les personnes âgées. «Aujourd’hui encore, c’est la première cause de cécité dans le monde, rappelle Nicolas Ducrey.

Au milieu du XIXe siècle, l’opération était risquée. Les inflammations étaient courantes ainsi que, parfois, des infections, incurables à cette époque, ce qui conduisait à la perte de l’œil. Mis à part la cataracte, on traitait aussi d’autres affections des yeux à l’aide de collyres, d’onguents, de bains oculaires.» Après l’opération, et sachant que sa patiente venait de Lausanne, le professeur Chelius lui indiqua que l’un de ses anciens élèves, Frédéric Recordon, venait lui aussi de cette ville et qu’il serait parfaitement capable de lui fournir des soins complémentaires si nécessaire.

En quoi consistaient les études de médecine à l’époque? «On connaissait l’anatomie, dans une certaine mesure le fonctionnement des organes, poursuit Nicolas Ducrey. On enseignait l’anatomie, la chirurgie, la médecine interne, la gynécologie… Dans certains centres des éléments d’ophtalmologie. Cet enseignement dépendait beaucoup de l’intérêt et du charisme de celui qui le prodiguait. Frédéric Recordon a ainsi bénéficié des connaissances de Chelius à Heidelberg puis de Sichel à Paris.» De retour à Lausanne, il avait ouvert un dispensaire à son domicile, secondé par sa femme. Le couple recueillait quelques malades sans le sou atteints de la cataracte.

Rencontre décisive
De retour à Lausanne, et guérie de la cataracte, Elisabeth de Cerjat n’en alla pas moins trouver Frédéric Recordon avec une idée en tête: permettre à des personnes moins aisées qu’elle de bénéficier d’une structure pouvant fournir ce type de soins à Lausanne. Le jeune médecin en parla à l’un de ses amis, le pasteur Espérandieu, qui le mit en contact avec le troisième fondateur, le banquier William Haldimand.

Elisabeth de Cerjat et Frédéric Recordon avaient l’espoir de créer un dispensaire spécialisé dans l’ophtalmologie. «William Haldimand a vu plus grand dès le début, note Nicolas Ducrey. Il a proposé de créer un établissement dédié aux soins ophtalmiques, d’une part, et un lieu de prise en charge et d’enseignement pour les jeunes aveugles, d’autre part.» Le besoin s’en faisait sentir: 10% de la population vaudoise vivait en dessous du seuil de pauvreté. Et rien n’était prévu pour venir en aide aux pauvres frappés de cécité. Les enfants aveugles ne recevaient aucune éducation. Le premier bâtiment est inauguré en 1844. «Les activités médicales occupaient le rez-de-chaussée, indique Nicolas Ducrey. L’école et l’internat prenaient place à l’étage sous la direction d’Henri Hirzel, secondé par son épouse. L’internat pouvait recevoir 16 enfants. Le personnel était limité aux deux couples, aidés par quelques bénévoles.»

Une classe de l’Asile des aveugles. Les élèves étaient instruits pour accéder à une indépendance économique une fois adulte

16 Soit le nombre d’enfants accueillis à l’ouverture de l’internat de la Fondation Asile des aveugles, en 1844.

30 000 Soit le nombre de consultations données par Frédéric Recordon douze ans après l’ouverture de l’hôpital.

Rapidement le bâtiment est complété par deux ailes. Mais il demeure trop exigu pour recevoir correctement les patients. Sous l’impulsion de Marc Dufour, adjoint et, dès 1880, successeur de Frédéric Recordon, un nouvel hôpital est inauguré en 1873.
Par la suite, des ateliers pour aveugles sont construits. «Intégrer les aveugles dans la vie active, même après leur avoir donné un enseignement, n’était pas chose aisée, poursuit Nicolas Ducrey. Dans ces ateliers protégés, ils confectionnaient des brosses, des objets en vannerie ou en cannelage qui étaient vendus dans un magasin proche de l’hôpital. Cela assurait ainsi des rentrées d’argent.»

Dons et legs indispensables
Car l’argent ne coulait pas à flots, malgré les dons généreux totalisant plus de 1 million de francs – une somme colossale à l’époque – de William Haldimand durant une vingtaine d’années. «L’institution a longtemps été ouverte aux indigents. Les patients donnaient ce qu’ils pouvaient. Ainsi elle a surtout vécu de dons et de legs, rappelle Nicolas Ducrey. Marc Dufour a également largement contribué à son développement en finançant la construction d’un home pour les aveugles de sexe masculin, inauguré en 1910 en mémoire de sa fille Gabrielle. Un home pour les femmes aveugles du nom d’un des pères fondateurs, Frédéric Recordon, existait déjà depuis 1890.» Marc Dufour a aussi été la figure de proue de la collaboration entre l’Hôpital ophtalmique et l’Université de Lausanne, qui accueille dès 1890 la discipline dans sa Faculté de médecine. Marc Dufour sera recteur de l’Université de 1894 à 1896.

L’aide de l’État de Vaud a permis l’agrandissement de l’hôpital en 1954, puis sa rénovation et l’agrandissement de la policlinique en 1985. Les derniers travaux modifiant considérablement l’aspect de l’hôpital se sont achevés en 2010. Ils ont été entièrement financés par la Fondation Asile des aveugles.

L’enseignement pour les aveugles se poursuit en développant d’autres types de prise en charge, les internes devenant une grande minorité, en faveur d’une intégration la plus large possible des élèves dans les écoles publiques.(Laurent Buschini)

Les thérapies
Toute la palette de l’ophtalmologie est réunie sous un même toit.
L’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin est le seul en Suisse qui peut offrir à ses patient la totalité des spécialités médicale et chirurgicales de l’œil.

L’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin est le seul en Suisse à couvrir la totalité des disciplines de l’œil. Tous les moyens thérapeutiques y sont déployés pour soigner la vision: traitements pharmacologiques, optique, implants correcteurs et lasers. Sans oublier la chirurgie. Depuis une quarantaine d’années, ce domaine est devenu si pointu que les chirurgiens-ophtalmologues se spécialisent dans certaines interventions. «Les 95% des opérations se font en ambulatoire, précise le professeur Thomas J. Wolfensberger, directeur médical et chef de service a.i. de l’Hôpital ophtalmologique Jules-Gonin. Elles se déroulent sous anesthésie locale de l’œil. Le patient peut retourner chez lui dans la journée.»


Les opérations en ophtalmologie se font en majorité en ambulatoire
 

La policlinique traite toutes les maladies courantes (lire ci-contre). Mais on trouve aussi des domaines très particuliers. «L’un de nos chirurgiens est spécialisé dans le traitement de la chirurgie plastique orbitaire, poursuit Thomas J. Wolfensberger.
Il traite par exemple des tumeurs des paupières ou de l’appareil lacrymal. Un neuro-ophtalmologue s’occupe des maladies du nerf optique. Nous pouvons régler tous les problèmes de l’œil dans cet hôpital puisque nous avons toute la palette des spécialités médicales et chirurgicales sous le même toit.»

Une chirurgie délicate

Thomas J. Wolfensberger est spécialisé dans la chirurgie de la rétine. Il développe avec l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) des implants pour aveugles. «L’œil supporte mal des ouvertures de plus de 3 ou 4 mm, ce qui limite la taille des implants que l’on peut introduire. Nous travaillons sur un nouveau type d’implant qui pourrait se dérouler une fois installé dans l’œil, ce qui augmenterait considérablement le champ de vision recouvré.»


L’œil et ses principales maladies

Le principal progrès de la chirurgie de l’œil tient à la miniaturisation des instruments. «Ils font environ 0,5 mm d’épaisseur, précise Thomas Wolfensberger. Plus les instruments sont petits, moins le traumatisme de l’intervention est important. L’autre progrès notable est qu’on peut de plus en plus souvent se passer de fils quand on opère, ce qui est un grand confort pour le patient.»


Thomas J. Wolfensberger, directeur médical a.i. Hôpital ophtalmique


 

Marges d’erreur très faibles
La difficulté de l’intervention chirurgicale dans l’œil vient du fait que les lésions sont de petite dimension. «La marge d’erreur est très faible, reconnaît Thomas Wolfensberger. De plus, la fragilité des tissus est très grande. On n’a pas la notion de la force de traction que l’on exerce sur eux. Par contre, on a une bonne vision stéréoscopique de la profondeur. Enfin, la visualisation de notre travail est un aspect crucial pour une opération.» Concrètement, le chirurgien entre ses instruments à travers le blanc de l’œil, soit la carapace protectrice.
A l’aide de valves, il introduit différents types d’instruments pour l’opération mais aussi pour voir à l’intérieur de l’œil et maintenir la pression constante.

La recherche est particulièrement active au sein de l’hôpital ophtalmique. En pharmacologie, le développement de nouveaux traitements par l’injection de principes actifs directement dans l’œil ralentit ou stabilise la progression de certaines formes de DMLA et permet de guérir certains cancers de l’œil de l’enfant. La protonthérapie sauve la vue des personnes atteintes de tumeurs oculaires. De nouvelles techniques pour remodeler la cornée sont développées. Des études comparent l’évolution des maladies et analysent des milliers de données et d’images de patients pour améliorer sans cesse leurs traitements et comprendre les mécanismes de la vision. Enfin, la thérapie génique et la transplantation de cellules-souches donnent de nouveaux espoirs pour restaurer la fonction visuelle des photorécepteurs déficients pour des maladies aujourd’hui incurables, telles que la rétinite pigmentaire.

Le professeur voit plusieurs pistes d’avenir: la technologie, que ce soit dans le domaine de l’imagerie ou des implants pour remplacer les fonctions de l’œil ou dans l’aide à la stabilisation de la main du chirurgien, qui permettra des interventions de plus en plus pointues. Les autres domaines sont la thérapie génique, la transplantation de cellules-souches et de nouvelles techniques pour la réhabilitation visuelle. Les trois domaines avancent en parallèle, y compris à Lausanne. Thomas J. Wolfensberger aime l’ophtalmologie car l’œil reproduit en miniature ce qui se passe dans le corps humain. «C’est un univers en soi. Il faut avoir un intérêt pour le détail et la précision, car tout est miniature. Enfin, la vision sous-tend une dimension philosophique.» L.B.

 
Jules Gonin, un nom pour l’hôpital de lausanne.
Depuis 1989, le nom de Jules Gonin a été adjoint à l’Hôpital ophtalmique de Lausanne.


 

Directeur de l’établissement de 1918 à 1935, l’ophtalmologue vaudois a découvert la cause et le et le traitement du décollement de la rétine. Du liquide provenant du corps vitré s’infiltre et soulève la rétine. Le décollement s’agrandit, déplaçant cette dernière et entraînant des lésions de la vue. Le champ de vision diminue jusqu’à la cécité. Le phénomène avait été observé au XIXe siècle après l’invention de l’ophtalmoscope, qui permet de voir la rétine. Mais le professeur lausannois note que ce décollement est précédé par l’apparition d’une déchirure de la rétine.

«Jules Gonin a compris que c’était la cause du problème, commente Nicolas Ducrey. Il a développé une méthode pour cautériser la déchirure. Le décollement s’arrête et le liquide déjà présent entre la rétine et la paroi de l’œil se résorbe. Le patient peut retrouver une vue normale. Grâce à la découverte de Jules Gonin, des millions de personnes dans le monde ont échappé à la cécité. La renommée de Jules Gonin comme fondateur de la chirurgie de la rétine est mondiale.» Le comité du Prix Nobel de médecine discutait de lui décerner la distinction suprême. Mais le professeur lausannois est décédé prématurément, en 1935.

Une mission Universitaire

L’hôpital ophtalmique est conventionné avec le CHUV et l’Unil. «Les liens avec cette dernière remontent à la naissance de l’Université de Lausanne, en 1890», relève Vincent Castagna, directeur général de la Fondation Asile des aveugles. L’hôpital ophtalmique assure l’enseignement de la chaire d’ophtalmologie. A l’époque directeur de l’hôpital et professeur, Marc Dufour a été recteur de l’Université de 1894 à 1896.

Par convention, l’hôpital ophtalmique agit en tant que service du Centre hospitalier universitaire vaudois. «Des médecins de l’hôpital ophtalmique assurent une présence constante au CHUV et interviennent aussi à la demande, poursuit Vincent Castagna.
L’hôpital ophtalmique promeut aussi les dons de cornées pour l’œil. Ces collaborations sont très importantes pour nous. Elles stimulent la recherche et la formation et nous obligent à rester à un niveau de compétences très élevé. C’est un défi pour tous nos collaborateurs.»

Leur vue a été sauvée

«L’hôpital ophtalmique, je m’y sens un peu comme chez moi!» n’hésite pas à dire Carol Campbell- Smith. Elle explique le problème aigu qui l’a amenée en urgence à Lausanne. «Un problème de produit de désinfection de lentilles de contact a provoqué une violente inflammation de mes yeux. Il s’est avéré qu’il s’agissait d’un champignon virulent, rare et très difficile à traiter. Je me suis retrouvée hospitalisée pendant près de trois mois. Ablation du corps vitré, injections et deux greffes de cornée ont été nécessaires.


Carol Campbell-Smith Patiente à l’Hôpital ophtalmique


 

Le traitement a été si lourd que tout est devenu compliqué, l’alimentation, le sommeil, les déplacements et les soins corporels. Ma vue a été sauvée grâce à une prise en charge vraiment remarquable par l’ensemble du personnel de l’hôpital qui est devenu comme une deuxième famille. La Fondation Asile des aveugles, c’est un lieu d’exception, tant par les compétences thérapeutiques de pointe qui s’y regroupent que par ses racines profondes de charité et de bienveillance.» Sur les réseaux sociaux, on peut lire d’autres témoignages de personnes qui restent très attachées à la Fondation des aveugles, notamment en devenant donateurs. «Fortement myope depuis la naissance, je vois encore aujourd’hui grâce aux opérations effectuées par les professionnels de l’hôpital ophtalmique. Ces personnes font des miracles! Je leur dis chaque jour MERCI! Je soutiens la fondation pour faire avancer l’innovation et la recherche, qui, je l’espère, pourront guérir demain les aveugles et malvoyants», écrit ainsi Jocelyne Voirol.

La réadaptation

De nombreux moyens permettent de retrouver l’autonomie
L’aménagement du logement ou du lieu de travail et l’emploi d’outils facilitent l’insertion dans la vie active des personnes à la vision basse


Les outils de la vie quotidienne, comme un clavier ou un écran d’ordinateur, peuvent être adaptés à l’usage d’une personne à la vision déficiente.

Pour certaines personnes, il n’existe parfois plus de soins possibles par la chirurgie et les lunettes les plus adaptées ne sont pas suffisantes pour avoir accès à son environnement. On parle alors de basse vision. Dans cette situation, le but du travail de la Fondation Asile des aveugles tient en un mot: autonomie. L’objectif du service social, réadaptation et basse vision est de permettre à la personne malvoyante de vivre de manière indépendante à son domicile, sur son lieu de travail et d’avoir accès à des activités et loisirs. Un apprentissage est aussi proposé dans le domaine des déplacements afin d’apporter un maximum d’autonomie et de confort. Cette action de santé communautaire se fait en relation avec les médecins, mais aussi avec la famille, l’entourage, les communes et les employeurs des personnes malvoyantes et aveugles.

Les problèmes de vision sont différents d’une personne à l’autre. «Lorsqu’il y a perte de la vision centrale, la vue peut devenir floue, explique Jean Roche, responsable du service social, réadaptation et basse vision de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. La personne touchée peut avoir des difficultés de lecture, de la peine à reconnaître un visage, par exemple, ce qui fait parfois passer ces personnes pour hautaines car elles ne saluent plus leurs connaissances! Il en découle une perte fréquente du lien social.»

En cas de trouble de la vue périphérique, on voit comme dans un tunnel. «La personne arrive à lire quelques lettres d’un texte mais elle se perd dans la lecture. Dans la rue, elle voit une personne qui passe devant elle mais pas la valise qui la suit. Le service social, réadaptation et basse vision intervient afin de mettre en place des stratégies pour éviter ces obstacles. On peut y parvenir avec un entraînement spécifique.»

La vision des bas contrastes peut également être altérée. «Les personnes malvoyantes lisent difficilement des lettres grises sur un fond noir, par exemple, explique Jean Roche. Dans l’environnement urbain, le bord d’un trottoir est typiquement un endroit mal perçu.»


Jean Roche, responsable du service social, réadaptation et basse vision


 

La réadaptation consiste en un entraînement technique avec, éventuellement, différents outils à disposition: canne blanche courte ou longue selon la déficience visuelle de la personne, moyens auxiliaires, comme des montres ou des balances parlantes, moyens optiques grossissants. «Leur utilisation doit correspondre le plus possible au projet de la personne malvoyante, poursuit Jean Roche. Le choix d’une loupe dépend non seulement du potentiel visuel, mais aussi des habitudes de vie et du mode d’utilisation.

La technologie numérique permet des avancées majeures mais sa dimension tactile peut être pénalisante. Comment utiliser un écran plat? Des adaptations sont souvent nécessaires. Chaque demande est traitée de manière personnelle, en tenant compte du projet de vie et de la capacité visuelle.» Le maniement des moyens auxiliaires peut s’acquérir par une formation, dans les locaux de la Fondation Asile des aveugles.

Le service prend aussi en charge les personnes non voyantes. «Nous travaillons beaucoup sur les sens compensatoires, explique Jean Roche. Dans tous les cas, nous recherchons l’autonomie des personnes avec une déficience visuelle. Si l’environnement est adapté, les conséquences de son handicap sont réduites. De ce fait, son autonomie est favorisée. C’est possible à son domicile, mais aussi sur ses autres lieux d’activités.»

Prévention à tout âge
«Notre service compte également quatre assistants sociaux, indique Jean Roche. leur travail consiste notamment en une évaluation sociale et financière, une orientation adaptée au sein du réseau socio sanitaire vaudois ou encore en une aide à la gestion financière et administrative visant le maintien de l’autonomie. Nous organisons aussi des campagnes de sensibilisation à la déficience visuelle destinées aux professionnels de la santé, notamment dans les EMS. Les soignants peuvent ainsi mieux détecter les problèmes visuels des résidants.» L.B.

Pour rester chez soi
La Fondation Asile des aveugles dispose d’un ensemble de structures, réunies sous le nom de Living Lab: l’une d’entre elles, l’appartement témoin, permet l’entraînement et l’expérimentation de stratégies gestuelles et l’apprentissage à l’utilisation de moyens auxiliaires.

Ce lieu est également un espace de découverte des adaptations possibles dans son environnement. Une étape très utile avant l’aménagement de l’appartement de tout individu ayant une basse vision. «Les personnes peuvent se familiariser avec les outils à leur disposition, explique Jean Roche, responsable du service social, réadaptation et basse vision de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.

Elles peuvent ainsi exercer les gestes du quotidien dans un environnement favorable. Placer un liseré de couleur sur des assiettes ou autour des prises électriques pour qu’elles soient plus visibles sur un fond clair peut apporter du confort et de l’efficience dans l’activité.» Une salle d’éblouissement permet d’étudier l’importance de la luminosité. «L’homogénéité de la lumière facilite l’autonomie des personnes malvoyantes. Ces dernières peuvent passer plusieurs minutes à s’accoutumer à une autre lumière en passant d’un espace à un autre.» L’appartement témoin sert aussi à l’expérimentation de nouveaux instruments adaptés.

Un centre pour la formation des élèves malvoyants
Dès la création de la Fondation Asile des aveugles, il y a 175 ans, les enfants ont été pris en charge. Aujourd’hui, le Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue (CPHV) est le centre de référence romand. «Nous favorisons l’inclusion scolaire, professionnelle et sociale des enfants et des personnes atteintes dans leur santé visuelle, indique Lucien Panchaud, directeur du CPHV. Nous proposons un accompagnement pédagogique, éducatif et thérapeutique.»
Ainsi, 30 élèves sont scolarisés à l’école de la Fondation Asile des aveugles dans les degrés enfantines, primaires et secondaires, 40 enfants de 0 à 4 ans sont suivis par le Service éducatif itinérant, 158 élèves de 6 à 20 ans sont intégrés dans les écoles ordinaires romandes et suivis par le Service pédagogique itinérant. «Un internat de huit lits a pour objectif de réduire les durées de trajet et de soulager des familles dans le cadre socio-éducatif.»


Le Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue suit le parcours scolaire et professionnels de centaines de jeunes en Suisse romande.
 
 

Et 20 bénéficiaires AI de 15 et plus sont suivis en vue d’une orientation professionnelle. «Nous proposons aux personnes ayant une déficience visuelle une aide à l’élaboration de projets professionnels, un soutien à la recherche d’un apprentissage ou d’un emploi et un accompagnement durant la formation ou l’emploi», poursuit Lucien Panchaud.
Tous les deux ans, une journée de dépistage pour les enfants est organisée à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. La prochaine journée sera organisée le 12 octobre 2018

A la découverte des bus

Le Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue prend en charge chaque année quelque 200 enfants de moins de 20 ans. Il organise des journées de découverte de leur environnement. Les TL mettent à disposition un bus pour que les jeunes atteints dans leur vision puissent découvrir en toute sécurité l’intérieur d’un véhicule, où se trouve le chauffeur, etc.

De leur côté, les entreprises partenaires, comme les TL ou les CFF, sensibilisent leurs employés aux contraintes liées à la malvoyance. «Ils sont ouverts à cette démarche et sont demandeurs de contacts afin de mieux connaître leur clientèle malvoyante», assure Jean Roche.

Un personnel engagé
 
Vanessa Gallard Infirmière cheffe d’unité de soins EMS Clair-Soleil.
«Mon métier est en pleine métamorphose! Nous travaillons main dans la main pour accompagner au mieux les résidants»


Coralie Perroulaz Ingénieure biomédicale.
«Ce que je préfère, c’est aider les autres collaborateurs à faire leur travail auprès des patients»


Sakina Ezziat Data manager.
«Je récolte et analyse des données pour des études médicales afin d’améliorer la prise en soin du patient»


Jacopo Maria Guidotti Médecin assistant.
«J’aime beaucoup la partie diagnostique car c’est hypertechnologique en ophtalmologie»


 

Certaines professions sont étonnantes. A l’exemple des photographes en ophtalmologie la Fondation Asile des aveugles, chaque métier, chaque personne est unique et apporte sa contribution au service des patients de l’Hôpital ophtalmique, des résidants des deux EMS ou des élèves pris en charge par le Centre pédagogique pour les élèves handicapés de la vue.
L’un des métiers les plus surprenants est celui de photographe en ophtalmologie. Avant de pouvoir se représenter l’œil par imagerie 3D, les médecins faisaient appel à des dessinateurs scientifiques et à des graveurs pour illustrer l’anatomie de l’œil et ses maladies.


Dessin d’un décollement de rétine par Jules Gonin

Une photographie actuelle de rétine

Il faudra attendre 60 ans après l’avènement de la photographie, soit 1893, pour que Théodore Guilloz, licencié ès sciences physiques et futur chef du premier service de radiologie de France, parvienne à obtenir les premières images de fonds d’œil de moyenne qualité. C’est en 1907 que Friederich Dimmer, ophtalmologue allemand, conçoit un appareil avec une image de qualité suffisante pour permettre la pose d’un diagnostic. Il sera le premier à publier un article scientifique sur les bases de l’ophtalmologie.

A l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, les photographes en ophtalmologie sont avant tout… photographes! Ils ne suivent une formation en ophtalmologie qu’une fois arrivés dans l’institution. «L’appareil photo a le même fonctionnement que l’œil. Le diaphragme équivaut à l’iris et la mise au point est faite par le cristallin.
C’est pour cela que j’adore mon métier: mélanger ces deux univers donne plus de sens à mes journées puisqu’au lieu de servir un client, j’aide un patient. Mettre en évidence les problèmes visuels grâce aux logiciels de retouche, jouer avec la lumière, connaître les pathologies, utiliser des dispositifs médicaux et surtout, des appareils photo sont les aspects que je préfère», explique Raphaël Enard, photographe en ophtalmologie.

Exposition

L’exposition des 175 ans de la Fondation Asile des aveugles, Espace Arlaud

A l’agenda

  • 2 février au 8 avril «Vision (s)», l’exposition des 175 ans de la Fondation Asile des aveugles, Espace Arlaud.
  • 22-23 mars Symposium scientifique, Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.
  • 26 mai Portes ouvertes de la Fondation Asile des aveugles: Hôpital ophtalmique, laboratoires de recherche, EMS Recordon, Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue.
  • 21 juin Assemblée annuelle à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin
  • 23 juin Inauguration du parc adapté de l’EMS Clair-Soleil, à Ecublens.
  • 12 octobre Journée de dépistage des yeux des enfants.

24 heures, av. de la Gare 33, 1001 Lausanne Rédacteur en chef: Claude Ansermoz Direction artistique: Serge Gros (ad intérim) Coordination: Laurent Buschini, Muriel Faienza et Frédérique Décaillet (Fondation Asile des aveugles) Mise en pages: Cellule graphique Impression: CIL Centre d’impression Lausanne SA à Bussigny Marketing: Jean-Luc Avondet Editeur: Tamedia Publications romandes SA, directeur Serge Reymond, une publication de Tamedia AG. Indication de participations importantes selon article 322 CPS: CIL Centre d’Impression Lausanne SA, Editions Le Régional SA, Homegate AG, LC Lausanne-Cités SA, Société de Publications Nouvelles SPN SA.

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