Ateliers pour aveugles menacés de fermeture

La Fédération suisse des aveugles et des malvoyants (FSA) doit se serrer la ceinture. Lors de son assemblée générale des délégués, samedi et dimanche, le comité proposera un train de mesures pour réduire les pertes. Pour parvenir rapidement à l’équilibre, les membres discuteront notamment de la fermeture, d’ici à 2022, des cinq centres de formation et de rencontre (CFR). Situés à Lausanne, à Berne, à Lucerne, à Saint-Gall et à Zurich, ils lui coûtent environ 1 million de francs par année.

Atelier de sculpture de l'atelier romand de la fédération des aveugles (Image: Philippe Maeder)

Cette menace suscite l’inquiétude. Dans ces centres de formation, les aveugles et les malvoyants apprennent par exemple à travailler le bois ou le textile. Michel, qui a perdu la vue après un accident puis une maladie, sculpte la pierre et réalise des bijoux. Il fréquente le CFR de Lausanne quatre jours par semaine, de 9 à 15 heures. «Nous sommes en moyenne dix par jour. Ce lieu permet de nous rencontrer, de sortir, d’éviter de rester seuls à la maison et d’y ressasser nos difficultés. S’il fermait, je n’aurais pas les moyens de me payer un local, et la poussière ne me permettrait pas de travailler chez moi.»

Michel vend parfois ses créations. Ce gain, quelques centaines de francs par année, couvre les frais de matériel. Pour ce rentier AI, l’essentiel est ailleurs: «Je comprends que la FSA ait des problèmes financiers. Mais le public doit être informé et savoir que ces lieux permettent de nous intégrer dans une vie sociale.»

«Rien n’est encore décidé, relativise Alfred Rikli, membre de l’équipe dirigeante de la FSA. Il faut attendre ce week-end pour connaître les décisions des délégués. Et, si nous pouvons trouver d’autres moyens de financement d’ici à 2022, nous pourrons peut-être éviter les fermetures.» D’autres économies sont-elles envisagées? Il n’en dit pas davantage.

L’organisation pointe du doigt la restriction des subventions publiques. Elle dépend aussi des donateurs. «Ces revenus sont très volatils, explique Alfred Rikli. Si nous recevions par exemple régulièrement un legs ou des dons de 4 millions de francs, nous pourrions poursuivre toutes nos activités.»

L’un dans l’autre, la FSA enregistre depuis quelques années déjà un déficit annuel d’environ 3 millions de francs. Si l’organisation peut pour l’instant le couvrir avec sa fortune, elle veut agir «avant d’être en danger». Des mesures ont déjà été prises, allant de la non-reconduction de certains postes de travail au renoncement à des campagnes de sensibilisation et à des spots TV. Son centre de consultation de Bâle a été fermé l’an dernier car d’autres organisations offraient le même service, celui de Zurich devrait connaître le même sort. L’idée est qu’à l’avenir la FSA doit garantir son offre là où aucun autre prestataire ne propose une solution similaire.

Désormais, l’organisation envisage donc de toucher à sa structure. Selon Suzanne Auer, secrétaire générale d’Agile.ch, qui représente plus de quarante organisations de handicapés, ce cas n’est pas isolé. «Parmi nos membres, beaucoup présentent des chiffres rouges voire très rouges. Il y a heureusement des exceptions. Fragile a, par exemple, reçu plusieurs legs l’an dernier et se trouve dans le noir.»

Les catastrophes se multiplient dans le monde et les sollicitations sont nombreuses, relève Suzanne Auer. Sans oublier la concurrence du crowdfunding, ou financement participatif de projets, qui se développe avec Internet. Bref, les gens seraient un peu saturés par les lettres qui leur parviennent. «Je ne pense pas qu’ils donnent moins, mais ils soutiennent d’autres causes», précise la secrétaire générale.

Les statistiques de la Zewo (service de certification pour les organisations qui collectent des dons, un label dont bénéficie la FSA) montrent en effet que les Suisses sont généreux. En 2015, les dons aux œuvres de bienfaisance ont augmenté. Le volume total a même atteint un record de 1,8 milliard de francs. Martina Ziegerer, directrice de la Zewo, estime toutefois que la concurrence a augmenté entre les organisations, tant pour les dons que pour les subventions. Celles-ci sont aussi dans le viseur de l’opinion publique. «Cela les contraint à se professionnaliser», précise-t-elle. Avant de relativiser: «De façon générale, nous n’observons pas davantage de problèmes financiers. Ce qui n’empêche pas que des difficultés se présentent dans des cas individuels.»

Source 24heures.ch